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La montée de la résilience : l’esprit Ngoyano en moi
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Préface : Le Pouvoir de la Mémoire
Depuis toujours, la mémoire de ma terre natale vit en moi, comme si l’esprit des Ngoyanos était gravé dans mon essence. Le passé n’est pas seulement un souvenir lointain, mais une racine profonde qui me nourrit, qui me rappelle d’où je viens, et qui renforce mon esprit chaque jour.
Je me souviens des terres de Kissanga Kungo (Cela Velha), des jours ensoleillés à Waku Kungo, l’ancienne Santa Comba, où j’ai grandi entouré d’une population généreuse, qui travaillait et souriait avec tout son cœur. Ces souvenirs ne sont pas simplement des fragments d’un temps révolu, mais une force qui vibre et vit en moi, un appel constant qui ne m’abandonne jamais. À chaque instant, je ressens la présence de chaque personne, de chaque histoire qui a fait partie de mon enfance.
Mais, avec ces mémoires, quelque chose d’autre m’a toujours accompagné, une ombre qui se révélait dans mes rêves d’enfant. Une figure obscure, un monstre immense et terrifiant, apparaissait dans mes nuits de sommeil profond, soufflant sur moi un nuage mortel de poudre de DDT. L’odeur et le goût de cette poussière étaient si réels qu’ils semblaient sortir du rêve, me faisant sentir que ma fin était proche. Pourtant, chaque matin, je me réveillais, surpris et reconnaissant d’être encore en vie.
Ainsi commence mon histoire, un voyage où le pouvoir de la mémoire et la force de l’esprit ngoyano se sont unis pour transformer la peur en résilience.
Chapitre Un : Ombres de l’Enfance
L’enfance, pour beaucoup, est un refuge d’innocence. Mais pour moi, elle portait aussi une ombre, une menace qui se manifestait dans les nuits où le sommeil profond devenait cauchemar. Je me souviens clairement des moments où le monstre surgissait — une créature monstrueuse, faite de ténèbres et de danger, planant au-dessus de moi telle une tempête imminente.
Ce monstre, d’apparence grotesque et aux yeux vides, exhalait un pouvoir inéluctable : une nuée épaisse de DDT, cette poudre bien connue, vendue en petites quantités dans la boutique de mon père. Pour beaucoup de nos clients, le DDT était une arme contre les nuisibles dans les cubatas et aux alentours. Mais dans mon rêve, il devenait une arme mortelle, un poison capable de m’étouffer, d’interrompre mon existence. C’était un poison familier, mais terrifiant dans l’obscurité de mes cauchemars.
À chaque rencontre, je sentais l’odeur âcre et la texture étouffante de cette poudre ; elle pénétrait mes poumons, contaminait l’air autour de moi, et tout en moi semblait cesser — le cœur, la respiration, même le flot du temps. Chaque particule de cette poudre semblait capable d’éteindre la vie en moi.
À mon réveil, mon cœur battait à un rythme frénétique, comme s’il luttait pour me rappeler que j’étais, en fait, en vie. Et chaque matin, je ressentais un mélange étrange de soulagement et d’incrédulité, réalisant que j’avais survécu encore une fois. C’était comme si l’esprit ngoyano était déjà là, en silence, pour me rappeler qu’au-delà de la peur, j’avais en moi une force intérieure qui me guiderait au-delà des ombres.
Ces cauchemars se sont répétés pendant de nombreuses années, devenant presque une part de moi, un rappel constant du danger et de ma fragilité. Pourtant, au fond de mon âme, quelque chose se renforçait à chaque réveil, une résilience silencieuse qui grandissait avec le temps.
Chapitre Deux : L’Ascension de la Résilience
Avec les années, quelque chose a commencé à changer en moi. Les cauchemars persistaient, tenaces comme un souvenir amer, mais chaque fois que je me réveillais, je sentais quelque chose de nouveau. C’était subtil, presque imperceptible, mais chaque matin après le cauchemar, je me sentais un peu plus fort, un peu mieux préparé. Quelque chose en moi semblait puiser dans cette obscurité et, étrangement, transformer la peur en force.
L’influence de l’esprit ngoyano, toujours présent dans mes souvenirs, a commencé à se manifester. C’était comme si, en revivant ces nuits de terreur, j’accumulais la force de chaque personne rencontrée à Waku Kungo, chaque histoire de résilience, chaque geste de courage. J’avais l’impression, sans m’en rendre compte, de devenir une extension de cet esprit, absorbant son essence et la transformant en un bouclier contre tout ce qui pourrait me menacer.
Dans ma vie, il y a eu de nombreux moments où cet esprit s’est révélé essentiel. À chaque défi, chaque obstacle, le souvenir de mes ancêtres, des travailleurs, des amis et des luttes silencieuses d’un peuple indomptable m’apportait une force qui dépassait le physique. C’était une force héritée, qui se renouvelait à chaque nouveau jour.
Je me souviens de moments précis, ceux où il semblait impossible de continuer, quand la peur ou le doute apparaissaient comme des ombres. Dans ces heures, l’esprit des Ngoyanos surgissait, comme une voix qui me disait de persévérer, d’affronter ce qu’il fallait. Et c’était toujours dans ces moments de plus grand défi que je me rappelais les matins après le cauchemar, quand la lumière du jour prouvait que j’avais survécu. À chaque aube nouvelle, je sentais que la force qui grandissait en moi ressemblait à une armure invisible.
Cependant, la transformation complète restait à venir. Je savais, d’une manière profonde, que ces cauchemars avaient un sens, que cette ombre était là pour m’apprendre quelque chose d’essentiel. Jusqu’à présent, j’avais appris à résister, à survivre. Mais il me restait à apprendre à vaincre, à transformer la peur en une force définitive.
Cette force latente, accumulée au fil des années, me préparait au dernier affrontement avec le monstre. Ce qui m’effrayait autrefois commençait à sembler moins menaçant, comme si l’esprit ngoyano en moi savait que le jour où les ombres se changeraient en lumière approchait.
Chapitre Trois : L’Affrontement Final
Le jour de mes 32 ans, le cauchemar revint — mais cette fois, quelque chose était différent. Je sentis la présence du monstre avant même de le voir, tel un orage imminent. Il s’approchait, immense et sombre, avec ce regard vide qui m’avait tant de fois paralysé. Mais cette nuit-là, alors qu’il se tenait au-dessus de moi, je réalisai que quelque chose en moi était prêt, quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant.
Le monstre se dressa, prêt à libérer le nuage de DDT mortel qui avait toujours marqué la fin du rêve. Mais avant qu’il ne puisse agir, une force incommensurable surgit en moi, une force sans limite apparente. Je me souvenais de toutes ces matinées où j’avais survécu, et compris que cette nuit serait différente. J’étais prêt.
Avec un élan irrésistible, je sentis mon corps grandir, s’étendre. À chaque respiration, je devenais plus grand, plus fort, comme si l’esprit ngoyano coulait dans mes veines, amplifiant chaque fibre de mon être. C’était une sensation écrasante – j’absorbais toute la douleur, toute la peur, tout le DDT que le monstre m’avait projeté au fil des années. Et maintenant, ce poison même se transformait en puissance.
Sans hésiter, je fis face au monstre, le regardant droit dans ses yeux vides avec une fermeté que je ne pensais pas posséder. Avec une force qui semblait venir de la terre d’Angola elle-même, je commençai à lui renvoyer cette poussière de DDT, cette rage longtemps contenue enfin libérée. Le monstre se tordit, résista, mais à chaque seconde, je devenais plus fort et lui, plus faible.
Puis, dans un dernier cri silencieux, le monstre commença à disparaître, réduit en une fine poussière qui se dissipa dans l’air. C’était la fin. La fin d’une longue bataille que je ne savais pas que j’étais destiné à remporter. Avec le monstre vaincu, je me réveillai, mais cette fois, avec un sentiment de liberté. J’avais surmonté le cauchemar, libéré des ombres, enfin maître de mon destin.
Ce matin-là, l’air me sembla plus léger, la lumière plus vive. Et je sus que je n’aurais plus jamais ce cauchemar. J’avais transformé la peur en une force inébranlable, une force qui m’accompagnerait pour le reste de ma vie.
Épilogue : Un Héritage de Force
La fin de ce cauchemar n’était pas seulement la défaite d’un monstre. C’était une renaissance, une libération. Dès cette nuit, je sentis que quelque chose avait profondément changé en moi. La peur, qui était auparavant une ombre constante, s’était transformée en un lointain souvenir, un témoignage de la force que j’avais acquise.
J’ai compris que cette force, cette résilience, n’était pas seulement la mienne ; elle venait de générations, de la terre où je suis né et de l’esprit des Ngoyanos qui avait toujours été à mes côtés. Ce peuple, avec son courage silencieux et sa détermination inébranlable, m’a appris que la vraie force n’est pas l’absence de peur, mais la capacité à la surmonter, à la transmuter en quelque chose de plus grand, quelque chose qui nous élève. Et cette force vit en moi, dans mes pas, dans mes choix, dans tout ce que je fais.
Aujourd’hui, lorsque je regarde en arrière, je vois non seulement les défis que j’ai surmontés, mais aussi l’héritage que je porte – un héritage de courage, de résistance, de connexion profonde avec les racines qui m’ont formé. C’est un héritage qui ne m’appartient pas seulement à moi, mais à tous ceux qui, comme moi, sont nés à Kissanga Kungo, ont grandi à Waku Kungo, et portent dans leur cœur l’esprit de l’Angola.
Ce cauchemar m’a appris quelque chose de précieux : même les expériences les plus sombres peuvent se transformer en force, et qu’il est possible de renaître des ombres avec une lumière encore plus éclatante. C’est l’histoire que je porte désormais avec moi, une histoire de dépassement et d’identité, un hommage à tous ceux qui m’ont précédé et à ceux qui viendront après moi.
Ainsi, je continue mon chemin, guidé par l’esprit ngoyano, sachant qu’importe où la vie me mène, je porterai toujours en moi la force et la sagesse d’une terre et d’un peuple qui m’ont appris à transformer la peur en courage, et l’obscurité en lumière.
FIN

